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Ah, le superbe temps des fêtes! Toutes ces lumières voyantes qui
clignotent sans aucune gêne dans tous les recoins de la maisonnée et ces vœux
sublimes de bonne année à venir qui fusent d’un peu partout à la fois comme
autant de feux d’artifices! Bienvenues les multicolores traces de rouge à
lèvres Lise Watier (ou marque maison) qui laissent des graffitis collants en
forme de lèvres semi-ouvertes sur nos joues pâlottes. Tout le monde paraît
indécemment content, sauf moi.
Au moins, les deux semaines de vacances qui arrivent en bonus me
gratifieront du bénéfice enfin acceptable de me cloitrer avec délice dans des
pièces closes, comme un moine discret. Je pourrai pratiquer certains jours mes
rituels favoris : zieuter des films de tous genres sans se poser de
questions, faire des dodos non chronométrés sous cinq épaisseurs de
douillettes, laisser le téléphone sonner et ne pas retourner les appels.
Mais au travers de ces moments délicieux de farniente et d’isolement
toléré au nom du repos mérité, je devrai tout de même traverser quelques champs
piégés de mines, certaines obligations sont difficilement contournables.
Ces soirées-là…
Noël,
c’est trop de lumières aux teintes mal assorties qui arrachent la rétine et
fatiguent le nerf optique. C’est trop de gens animés et super motivés à nous
raconter une mésaventure banale, mais extraordinaire pour eux, dont ils ne sont
pas que peu fiers. L’achat d’un nouveau frigo en acier inoxydable qu’ils ont
payé moitié prix parce qu’il y a une égratignure qu’on ne voit presque pas sur
le côté gauche, s’être remis au macramé « parce que ça va revenir à la
mode un jour, c’est certain », avoir perdu 5 kilos derrière les oreilles
ou avoir réussi à pousser le moteur de sa vieille Honda à atteindre les
500 000 kilomètres. Où qu’on se retourne, il y a quelqu’un qui a une vie à
raconter. Et avec des détails. Tout le monde est content et fou braque. Alors,
je détonne encore, mais depuis le temps, j’ai un peu plus d’expérience et de
tolérance.
Juste
avant les festivités, je me tâte l’estomac, je supplie la traditionnelle
gastro-entérite d’hiver qui coure partout de s’agripper à moi, je lèche presque
les poignées de porte derrière les gens grippés afin de devenir captive d’un
satané microbe qui me permettrait de garder les gens à distance : « Non,
non, ne m’embrasse pas, je suis contagieuse. » Mais avoir mal, oui,
ça arrivera. Mon anxiété qui marche sur un fil de fer périlleux va me gruger
sans timidité une bonne partie de l’œsophage et me tuer le tiers du système digestif. Et ce ne sera même pas à
cause de l’alcool. Je me sentirai mal au point de vue social à un certain
moment donné. Déchargée et épuisée.
Ce gros bonhomme rouge qui
attire supposément tous les enfants
À chaque année de mon enfance, j’ai systématiquement refusé de poser mon
mini derrière sur les genoux en peluche rouge tomate du père noël du centre
d’achat, cet inconnu immense au gros rire gras et maniaque. Il me faisait
incroyablement peur. De toute manière, dès qu’un adulte élevait la voix, je ne
savais pas s’il voulait m’amuser ou me gronder, alors je figeais comme la femme
de Lot et j’allais me cacher dans ma bulle intérieure la plus profonde. SVP, ne
pas déranger.
Alors, ce bon vieux
personnage mythique, il s’était classifié dans mon top 10 sur l’échelle des dangers
à éviter à tout prix. On m’aurait demandé d’aller me coller sur Chucky ou
Freddy Krueger que je n’aurais pas été plus effrayée. Quand ma mère m’offrait
cette opportunité qui fait saliver tous les enfants, je répondais
catégoriquement la même chose : non. Et j’exprimais mon désir sincère. Je n’ai jamais eu de regrets ou un quelconque sentiment de rendez-vous
manqué, par la suite. Ce petit rituel social, il n’était vraiment pas conçu
pour moi.
Mon gros sapin… roi du salon!
Aujourd’hui
encore, quand vient la corvée quasi obligée de dresser et décorer le sapin,
j’ai tout de go une hâte fébrile d’atteindre le jour glorieux où je pourrai le
recaser dans son emballage d’origine. Je me réjouis à l’avance de l’enfermer de
nouveau avec une bonne roulette de collant transparent large pour m’assurer
qu’il ne ressortira pas de son tombeau de lui-même avant le mois de décembre
suivant.
Ce sapin
est un intrus. Il me bloque sans arrêt le chemin quand je passe l’aspirateur,
il m’oblige à déplacer des meubles et des objets qui ont plus d’ancienneté et
de droits acquis que lui pour lui céder leur place habituelle. Il change mes
habitudes, me contraint à recaser une chaise d’appoint ou ma bicyclette
stationnaire à un endroit accrochant qui va me stresser durant un bon mois. Le
retour à la normale est toujours vivement attendu, avec promesse de
soulagement.
À chaque
soir, il s’énerve et cherche à attirer mon attention avec ses lumières
scintillantes que je fixe comme un indigent devant une vitrine de pâtisserie
bien garnie d’éclairs et de petits bateaux en pâte d’amande. C’est beaucoup de
stress pour une gogosse en plastique,
que j’ai une hâte intempestive à remettre dans sa boite pour un autre 11 mois.
Depuis un bon bout, j’ai zappé les guirlandes et les mini-décos bon marché.
Néanmoins, les gens persistent. Ils me demandent si j’ai décoré ma maison. Si
je dis non, c’est pire que si j’annonçais que la peste noire a refait son
apparition et que j’en suis la première porteuse. Ne pas avoir l’esprit du
temps des fêtes, c’est refuser d’être possédée par un démon contraignant mais
bien essentiel. C’est une petite coche de marginalisation de plus, comme si je
n’en avais pas déjà suffisamment.
Au petit trot s’en va la visite…
En
préparation d’un souper des fêtes, il y a toujours une sorte d’heure d’arrivée
anticipée des invités. Un style flou et pas net, qui n’est pas autistique du
tout. « On vous attend autour de 16 h », dit-on. Autour de, ce n’est pas très clair pour
moi. Déjà que si quelqu’un se pointe avant ladite heure, je lui ferai une
gueule insupportable, s’il arrive après 16 h 01, je suis dans une
panique sans nom. Je reste debout au milieu du salon le cerveau en sang,
j’écoute Météomédia en boucles (les bulletins météo, ça me calme toujours), je cours
d’une fenêtre à l’autre comme un chiot fou qui attend avec impatience le retour
tant attendu de son maitre. Quand les invités sont enfin dans la maison, ça va.
Je pourrai commencer à stresser pour autre chose : leur présence.
Calculer
tous les préparatifs, craindre de manquer d’aliments ou de boissons, ne pas
offrir assez de choix ou manquer de verres propres... C’est déjà toute une
organisation pour le commun des mortels; pour moi, additionnez à cela l’anxiété
sociale et je deviens le petit lapin qui suit la carotte au bout d’un bâton et
qui avance à mesure qu’il avance. Je n’y parviens juste pas...
Bon, enfin
ils partent. On devrait avoir le droit de donner une heure d’arrivée précise et
ensuite on barre la porte et on retourne l’insigne sur la porte du côté « Fermé »
comme dans les commerces à l’arrivée de l’heure de clôture. Il faudrait des
heures rigides d’ouverture des lieux. Aussi, il serait essentiel de pouvoir aviser
à l’avance, et mettre des pancartes visibles dans chaque pièce de l’heure de
départ exigée. Quand je sais à l’avance quand les gens quitteront, je peux me
ménager l’énergie nécessaire et bien la répartir durant la plage horaire. Si
les départs s’éternisent, je gratifie les invités de la baboune du siècle et
leur tends leur manteau en répondant à toutes leurs questions et affirmations
par un « bien oui » lassé et sec.
Les fêtes,
les partys ce n’est définitivement pas pour moi. Je voudrais m’enfouir bien
loin dans la terre ou hiberner comme un ours noir, et ce, de l’Halloween
jusqu’à la Saint-Valentin. Juste pour ne pas apercevoir une maudite guirlande
en aluminium argenté ou une boule décorative aux nouvelles couleurs tendance de
l’année, ou pour ne pas entendre les vieux chants de Noël repris par le nouveau
chanteur en vogue. Temps de réjouissances, disiez-vous?
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