TEXTE INTÉGRAL
Thomas Edison |
Soyons
tout à fait francs. On a tous fait cet acte singulier au moins une fois au
cours de notre existence terrestre. Du moins, chacun connaît intimement
quelqu’un qui l’a fait avec des éclats de voix et des étincelles indécentes
d’orgueil dans les yeux. On regarde notre signe astrologique qu’il soit
standard, chinois ou lunaire. Puis un malicieux regard en coin quelque peu
intrigué balaie la liste de personnages célèbres qui auraient théoriquement,
pour d’ésotériques raisons, la même personnalité que nous. Des individus dont
les forces et les talents particuliers seraient donc également omniprésents
dans notre vie et à l’intérieur de notre petite personne. À cause d’un
alignement subtil des planètes, de la lune ou de la croyance aveugle de la très
convaincue tante Berthe. Pour visualiser des gens qui devraient en principe
nous ressembler. Moi, je suis à la fois Madonna, Mike Tyson et la septième
chienne Lassie.
Mais
pourquoi se pencher, salive au coin des lèvres, sur ces listes disparates
d’étrangers que nous ne croiserons jamais? Est-ce la quête sans fin du « qui
suis-je? », « où vais-je? » ou la recherche de points de
référence identitaire extérieurs? La même question se pose alors concernant les
listes d’Asperger et d’autistes célèbres. Ils deviennent des points de
référence. Ils offrent souvent aux autistes ou Asperger une image positive dans
un monde où on dévalorise sans arrêt leur état. Il est rassurant de voir des
noms connus de personnes porteuses de la même différence intérieure que soi et
qui ont réussi à apporter quelque chose par leur vie. Mais également rassurant
de savoir que l’autisme était là avant soi, avant notre génération, depuis des
siècles même. Enfin, se rassurer de ne plus être un spécimen unique à épingler
comme un papillon rare derrière une vitre bien scellée. Ni d’être E.T.,
abandonné seul de son espèce en terre étrangère, en quête d’un téléphone ou
d’un Bluetooth fonctionnel, pour enfin contacter ses semblables et être
récupéré subito presto. Alors, comme je ne lis pas Mange, prie, aime, j’ai besoin d’inspiration moi aussi.
Trouver la
piste des autistes dans le passé est ardu. Il n’y a pas si longtemps encore, on
cordait les autistes à l’écart dans les maisons de fous, leur soustrayant le
droit à un usage productif de leur vie. Ou encore, on les diagnostiquait avec
de fausses maladies mentales qui leur allaient comme un gant à quatre doigts
sur une main humaine standard. Quelques brillants savants ont pu se glisser au
travers des mailles du filet, en trouvant un trou étiré assez grand pour fuir.
Comme le génie est sensé être proche de la folie, selon le dicton populaire, on
acceptait les excentricités baroques et l’asociabilité chez ceux qui pouvaient
se démarquer avec brio dans une sphère particulière.
Aspie et célèbre, vous croyez cela possible?
Bien que
le tempérament des autistes et des Asperger ne soit pas un synonyme spontané de
recherche de la célébrité, certains se retrouvent sur des podiums, bien en vue.
Bien sûr, à cause des contraintes sociales associées, la recherche volontaire
de la voyante gloire serait une source d’anxiété plutôt paralysante pour un
autiste. Car la recherche d’attention et de grande visibilité n’est pas un
trait Asperger courant. La discrétion de l’aspie est proverbiale.
Malgré
tout, l’autiste peut être un passionné jusqu’à l’expertise, principalement en
ce qui concerne ses intérêts particuliers. Il arrive donc qu’un autiste se
démarque par son travail minutieux ou son excellence dans sa sphère
professionnelle, par des réussites brillantes et des talents exceptionnels. La
personne sur le spectre autistique pourrait acquérir la notoriété par ses
innovatrices inventions, ses découvertes scientifiques importantes, ou un
travail artistique remarquable ressortant du lot. Le succès est donc parfois au
rendez-vous.
Il y a de plus en plus d’Asperger avoués
On
constate depuis quelques temps, que certaines personnalités publiques parlent
plus ouvertement de leur affiliation avec le spectre autistique. Des parents
d’enfants autistes, membres de la communauté artistique, racontent leur
quotidien avec leur enfant différent dans les médias. Et puis, quelques Asperger
parmi nos contemporains commencent à faire leur coming out. Il faut dire que de sortir d’un placard entrebâillé
n’est pas aisé. L’extérieur peut paraître hostile. À la réaction de gens
familiers lorsque les mots autistes
ou Asperger s’échappent de nos
lèvres, on sent parfois que la fuite vers le walk-in le plus proche est la seule voie possible de survie. La
méconnaissance de l’autisme, surtout dans ses formes les plus « légères »
est encore trop évidente. Il y a fort probablement des autistes connus qui
ignorent leur état, et ce, même à un âge avancé de leur vie.
En
décembre dernier, la chanteuse britannique Susan Boyle a annoncé au monde
entier qu’elle avait été diagnostiquée avec le syndrome d’Asperger. Les médias
en ont très fortement parlé durant la semaine qui a suivi. Évidemment, j’ai été
bien ravie d’entendre un nom connu et voir les médias parler un peu de nous.
Chaque annonce devient une petite brèche de plus dans le mur densément plâtré
de l’ignorance. Des gens ont dû faire des recherches sur le Web, intrigués par
cette « maladie » inconnue. Les autistes connus permettent donc de
faire connaître davantage l’autisme.
Parmi nos
contemporains qui ont avoué être Asperger et/ou autiste, nous retrouvons :
– Daryl
Hannah (actrice) : à ma connaissance, elle a fait son coming-out deux fois. Il y a quelques années, puis tout récemment.
Elle a avoué que les premières de films et la promotion de ces derniers étaient
un véritable calvaire pour elle.
– Satoshi
Tajiri (créateur des Pokémon)
– Dan Aykroyd
(acteur). Certains ont pensé qu’il faisait une blague.
Aspies présumés, mais dont on doutera toujours
Dans la
liste des Asperger et autistes de haut niveau présumés, il y a beaucoup de
personnes qui sont décédées. La vérification exacte, le diagnostic précis selon
les critères en vigueur sont donc impossibles. Mais dans la majorité des cas,
leur nom est sorti et s’est accolé à l’étiquette d’autisme suite à des
biographies ou à des correspondances personnelles retrouvées qui rapportaient
leur comportement, leur manière de communiquer et leur focalisation sur un
sujet précis et obsessif.
J’ai
visionné au canal Historia, il y a quelques mois, un intéressant documentaire
sur Isaac Newton. Le documentaire faisait clairement le parallèle entre le
comportement social de Newton et le syndrome d’Asperger, clairement nommé.
Newton était obsédé par ses recherches et s’y consacrait jour et nuit, oubliant
souvent de se nourrir et vivant en reclus. Cependant, le concept de partager
ses découvertes au monde entier et de croquer dans le fruit juteux de la
reconnaissance de son génie lui était complètement étranger. Il a suffit d’un
autre scientifique, vantard et bourré d’un ego immense, pour faire sortir
Newton de son labo. Comme cet autre scientifique faisait erreur selon Newton,
ce dernier a choisi de faire publiquement la correction des travaux erronés de
son rival, pour rétablir la vérité. C’est ainsi que l’on a eu le privilège de
connaître ses découvertes. Le besoin autistique de vérité a pris le dessus!
Parmi les
autres personnes célèbres, vivantes ou disparues, qui sont soupçonnées d’être Asperger
ou autistes, nous retrouvons :
– Bill
Gates (créateur de Microsoft)
– Mark
Zuckerberg (créateur de Facebook)
– Marie
Curie (chercheuse)
– Albert
Einstein (pas besoin de présentation!)
– Alexander
Graham Bell et Edison (inventeurs)
– Vincent
Van Gogh et Andy Warhol (peintres)
– Virginia
Woolf (écrivaine)
– Bob
Dylan (compositeur et chanteur)
– Bobby Fisher (champion d’échecs)
– Glenn Gould (pianiste)
Quand ça dérange monsieur et madame tout le
monde…
J’ai
remarqué qu’à l’annonce de la possibilité qu’un génie, qu’un artiste célèbre ou
que toute autre tête pensante soit dans le « camp » autistique,
certaines personnes non-autistes se raidissent. Ces individus deviennent
presque fâchés, semblant croire que nous cherchons à créer une élite autiste.
Pourtant, nous avons des génies dans nos rangs. Il en va de même chez les
personnes non-autistes. D’ailleurs, on oublie trop souvent que chez les Asperger,
le quotient intellectuel va de normal à supérieur.
Est-ce
parce que nous sommes lourdement taxés d’être « inférieurs » et que
notre comportement semble inadéquat? Sommes-nous donc dans une caste subalterne?
Réussir quelque chose de viable serait-il uniquement le fruit d’un heureux
hasard? Sommes-nous condamnés, dans l’opinion populaire, à demeurer la personne
limitée et « pas normale »? Nous ne tentons pas de créer une élite ou
une agressive invasion barbare. Nous cherchons seulement à être, à développer
notre potentiel et à être fiers de nos réalisations. Des autistes et des Asperger
talentueux, il y en aura d’autres. Nous en côtoyons probablement dans notre
quotidien, en oubliant leurs forces et en mettant l’emphase sur leurs
difficultés sociales et leur incapacité à partager leurs émotions intimes,
comme ce à quoi la société attend d’eux. Nous les décentrons de leurs pensées
pour les propulser de force dans le monde. Ces individus qui changeront quelque
chose dans le monde, ils sont quelque part. C’est peut-être vous ou votre
enfant. Qui sait? En tout cas, pour moi, les aspies célèbres sont des modèles
de réussite et d’inspiration. Et pourquoi pas… de fierté!
Voir aussi sur vidéo :
[ii] Je reparlerai sous
peu du concept de la « normalité » plus en détails.
* Toute reproduction totale ou partielle est interdite sans l'accord de l'auteure.
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Je suis en cours de diagnostique et j'aime beaucoup votre blog. Je pense que on a le droit d'exister que l'on soit un génie ou pas. Il faut de tout pour faire un monde
RépondreEffacerTout à fait! Je ne pense pas être un génie moi même. Mais le fait de montrer les génies sur le spectre autistique, c'est remettre un peu la balance droite et nous redonner un peu de dignité. Nous sommes plus souvent dévalorisés, malheureusement.
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